samedi 2 avril 2022

Le spaghetti bolo n'existe pas/plus.

Comme un échoué dans cette trattoria, après avoir bourlingué et caressé l’espoir de toucher à l’authenticité, je devais bien montrer du désarroi pour que le chef me prenne en écoute. On a beau répéter que les cuisines italiennes n’ont d’autres secrets que l’humilité et la simplicité des gestes, la fraîcheur et la grande qualité des produits, qu’il y a autant de recettes de ragus (nom générique donné à la sauce tomate à la viande) qu’il y a de mamas dans toute la botte et au delà, la tradition bolonaise fait toujours l’unanimité, reconnaissable à sa façon noble et unique de déposer la sauce sur les pâtes. 

Au lendemain de la guerre, dans une société italienne aux conditions sanitaires encore précaires, la richesse et l’opulence de la cuisine émilienne (la crême, le beurre, le parmesan, la mortadelle…) a vite fait office de fleuron gastronomique et aucune autre région n’a alors songé à s’opposer à ce choix comme vitrine à l’étranger. L’histoire a bien changé tout ça et aujourd’hui, plus personne n’oserait préparer la « bolo » au beurre brûlé, à la viande grasse dans un fait-tout en cuivre étamé. Quelle revanche pour les cuisines d’au delà des Apennins, rustiques et contadines mises à l’honneur par les nouvelles contingences diététiques. L’accès aux produits régionaux (dont beaucoup restent à découvrir), un engouement pour le retour aux valeurs simples d’un temps qu’on croyait révolu, une méfiance justifiée pour certains procédés des groupes industriels, des connaissances scientifiques avérées... tant de choses ont changé ces dernières années, tant d'arguments pour une cuisine saine et accessible, tant de raisons pour voir les produits et cuisines italiennes s'immiscer dans nos habitudes. 


Recette comme au temps de l’expo 58:
Faire rôtir au beurre de la viande de boeuf hachée bien grasse: de la couleur de la viande rôtie dépendra le goût et la couleur brunâtre de la sauce. Réserver, dégraisser éventuellement, baisser le feu et faire suer le sofrito (brunoise de carotte, céleri, oignons) en détachant les suc. Mouiller avec du bon vin. Laisser réduire un peu et ajouter vos meilleures tomates (fraîches du jardin en été) pelées, épépinées et coupées grossièrement). Sel. Poivre éventuellement. Rajouter la viande rôtie, mélanger et faire compoter à feux doux en remuant régulièrement. Arriver à une composition homogène, détendre avec un peu de lait. Et c’est tout.




Cependant, au hasard des conversations ménagères captées en rue, vous pourrez pêcher les astuces les plus inattendues: un bout de pancetta ou de culatelo, une croûte de parmesan, des feuilles de lauriers dans l’eau de cuisson des pâtes (qui devront être conduites de main de maître) l’indispensable voile de parmesan après 2-3 minutes du service ...




Veuillez à la bonne qualité des pâtes. Elles font partie intégrale du plaisir à la dégustation et pas, comme trop souvent, un prétexte à exagérer la proportion de sauce.


Peccato, n’appelez plus «bolognaise» une sauce qui contiendrait du thym, de l’ail, de l’origan, du lard fumé, du piment, de la cassonade, des fraises tagada... étouffée d‘emmenthal, d’edam ou de chabichou.