lundi 5 décembre 2011

Oh! Un blog en Speculaus? Merci Saint-Nicolas!

L’exotisme au coin de la rue!
Un petit voyage au bout de chez soi et les découvertes cascadent!


Mieux qu’un coffre aux trésors, mieux qu’un grenier des souvenirs, festoyons à terroir déployé en piochant dans notre bon et doux patrimoine.
La chasse au beurre et à la couenne ont décimé cette population de recettes bien de chez chacun et ici, dans la capitale du.. de... enfin on ne sait plus très bien à la fin, dans notre essentielle donc, se trouvent encore quelques autochtones attachés à leurs produits et à leurs traditions.
Bon, il faut un peu (beaucoup) chercher, mais entre spumas et émulsions moléculaires, restent encore liés certains indigènes, qui à sa tranche de kipkap, qui à son stukske zwieback.
Recettes de grand-mères, plats de musées, délices de ringards, ripailles poussiéreuses... peu importe la sémantique pourvu qu’on ait le bouquet.

Un authentique kiekefretter
Bruxelles-la belle a tellement été vitriolée («démolis» et «construits» sont ici passés de l’adéquat d’architecte au synonyme courant)
qu’elle en a perdu son beau visage.
Celui d’une tante ou cousine un peu provinciale, un peu mystérieuse, un peu, beaucoup, à la folie érotique, un petit peu fofolle, un gros peu gourmande...
Le rouleau compresseur de la modernité et de la cupidité a vite fait de reléguer cette bourgade au rang de ville européenne
voire mondiale: porches anonymes, placettes banales, rues fades, façades blêmes, pavés ternes, fontaines pâles, parcs insignifiants, kots anémiés, aubettes tristes, urbanisation préfabriquées, voiries en kit: on se croirait partout.
Quand je déambule dans ces rues du centre dit «historique» (il ne s’est donc rien passé en banlieue?) que j’ai arpentées tant de fois, j’ai l’horrible sensation de défiler dans un décor de cinéma déserté.
Comme si mon enfance s’était passée dans du carton.
Pour retrouver la joie d’un plat simple, pour jouir d’un repas humble, il nous faut aujourd’hui traquer l’indien autochtone, tapis au fond de sa réserve, il nous faut nous en aller, partir à la renverse d’un espace-temps que même Spielberg ne penserait pas à nous acheter.

Si quelqu’un parmi vous, blogués et blogueurs, pouvait me dire si tout ce qui suit n’a jamais existé, s’il pouvait m’assurer que j’ai rêvé, s’il arrivait à me prouver que toutes ces recettes, ces personnages truculents et ces endroits pittoresques ne sont que le fruit des entrailles de mon imagination ou de ma passion fébrile, qu’il se taise. Merci bien.

Et maintenant, quelques recettes pour les réveillons!
Les ballekes de Tine
Tine (Catherine Vanacht den Ajoenenbos, de petite noblesse
alostoise) n’a pas toujours pesé cent kilos: elle a souvent fait plus. Mais ce n’est pas pour ses rondeurs qu’on l’aimait: ses ballekes qu’elles nous mitonnait pour nos seuls, jeunes moniteurs, pendant que les enfants de la colonie du jour de la rue de l’Estacade faisaient la sieste, eh bien... ses ballekes, eh bien... c’était comme, allez... c’était...

Mi-veau mi-porc, façonner des boulettes avec oignon déjà rissolés, persil, cerfeuil,muscade, pain trempé, oeuf. Rôtir au four avec du saindoux. 
Plonger dans une sauce partie sur un roux blanc et mouillé à la bière blanche, pointe de sucre et filet de citron.

Nie’ gezieverd!
Les tartines de Pol Esteroll
Pol Esteroll se targue d’être le premier espagnol à avoir investi les Marolles. Un édit de sa tante qu’il finira bien un jour par trouver dans son brol, prouverait sa descendance avec un grenadier de la grande armée ibérique de l’«Ancien Temps».
Il ne parle qu’en vers qu’il siffle tout autant. Après une certaine quantité, il se prétend même inventeur du vers lent à l’envers qui a donné comme chacun sait le verlan, que les parisiens nous ont tout de suite copié, comme d’habitude.

Un épaisse tranche de pain tartinée de saindoux, parsemée de clottes d’ettekeis et passée sous la salamandre.
A déguster avec des pickels et une bonne bière (Attention! il en existe de mauvaises!).

Le Bloempanch du Père Noël
Le Père Noël (qui n’a jamais eu d’enfants reconnus) était cuistot au Petit Kastel, à la caserne Bailly, au ministère de la Défense et a raté de peu une place de chef de cuisine à l’OTAN. Noël Dewit a toujours eu l’air vieux, gris, plissé d’où sans doute ce surnom.

Une belle tranche de Bloempanch des meilleurs charcutiers, sautée (flambée au cognac pour les intrépides), pommes au four truffées de raisins secs et beurre salé et compote de poires.
Compote: des tranches de poires de terrain-vagues dorées au beurre, ramollies à la gueuze et laissées compotées avec girofle et sucre candi avant de servir chaude.

Amaï! Komplement hein chef!

L'omelette Mariette
Nul ne sait ce qui a causé le chagrin de Mariette. Car personne dans le quartier du Duivelput ne l’a vu jamais sourire. Cantinière ambulante, véritable mercenaire des banquets d’humeurs, des mariages ou des communions, elle semblait indestructible. On l’a retrouvée endormie à jamais au terminus du 14 avec, d’après les agents de la STIB arrivés les premiers, «comme un rictus sur les lèvres» (sic).

Des oeufs mollets, écrasés à la fourchette encore tièdes, du beurre ramolli, une lichette de moutarde de Jambe, quelques crevettes grises, peluches d’estragon et persil: mélanger et faire partir en gratin avec chapelure et emmenthal.

A ne pas en croire ses choesels!


Le Stoemp aux ramonaches
Recette soutirée à Wilfried Puis (dit le Pinch’) sur son lit de mort. Ah! le Pinch! Amant de Simone Max et d’Antoinette Spaak («pas en même temps, hein!»), nègre d’Armand Bachelier, pilier de tous les cafés de la rue de la Couchke zonder Wielen (du Jerk à chez Mile den Kwijzel en passant par le Ratatiné), il aurait été pris en photo par le prince lui-même. Problème: il ne se souvient plus de quel prince.

Cuire à l’eau puis sécher des bintjes pelées avec amour. Ecraser au stoemper avec avec un filet de vinaigre de vin, de la ramonache rapée toute fraîche, poivre et crême épaisse. A servir avec une chipolata de chez Janssens ou quoi.

Lorsque Charlemagne (ou Charles Quint, méfions-nous des historiens) a goûté cette merveille, il l’a décrétée plat national. «Foert!» aurait rétorqué le Pinch, ses doigts en forme d’orifice corporel sur le bout du nez! Et le Grand Charles d’abdiquer.




Le dix heures des ketjes
Une belle noisette de beurre salé de Beersel sur une pierre de sucre de Tirlemont.

Miam! En da’ in a kast!






Voilà! Vous avez échappé au Zeesnep en couronne, au Bol Katto de printemps, aux olieballen de Dikke Mich, aux harengs Jefke, aux chicons à la Suske, à l’Oie de l’Armistice, aux croquettes aux bastos, aux snelkoekjes, aux gaufres des quatre coings...
Tiens? Et le speculaus? Sans doute pas assez sages peut être?

SMOKELIJK EN BESTE WENSEN ALLEMOOL


mercredi 8 juin 2011

Un blog qui trie ses sélections de façon durable!

En direct de nos racines mêmes, ce blog au bon et modeste goût de terre puise sa sève nourricière de ce qui nous vient droit du sol.

Petit hommage à un coucher de soleil: la saison des agrumes se termine. Réconfort de nos hivers, oranges et citrons disparaissent des étals des marchands de quatre saisons. 
Les perles de Noël ou du premier de l'An sont loin déjà dans nos souvenirs: kumquats, mandarines, clémentines...

Il est mort le soleil. Vive le soleil. Les dernières tarroco ou moro disparaissent en croisant les premières asperges avec qui elles vont se frotter quelques jours. Produits en Sicile et dans l'extrême sud de la péninsule, les agrumes sont pour le reste des italiens, comme pour nous, un produit d'importation, lointains et indispensables (bien qu'on en ait sur son balcon jusqu'à Bolzano) dans l'alimentation au quotidien, artisanale ou industrielle. 

Des Primi aux Dolci, ils ont leur place à tous les étages du repas: qui n'a goûté aux spaghetti glacés au citron un soir de canicule, qui ne s'est réchauffé de l'automne finissant avec une volaille à l'orange ne mérite rien d'autre qu'on leur jette la pelure.

Noms: Pomelos, mapos, clémentines... prénoms: tardive, verdello, commune... Entiers ou hybrides, c'est un foisonnement ininterrompu de novembre à avril. Les dernières vraies mandarines (avec leur peau repoussante et leur flopée de pépins), les étonnants et monstrueux cédrats (dont on tire ici en Toscane une excellente limonade), les bergamotes (immangeables comme tant d'autres mais tant recherchées pour la confiserie ou la parfumerie et parfois achetées sur pied) la méconnue combava et leur cousine la pompia (exotique à souhait, elle fait l'objet d'une confiserie très appréciée et d'une appelation en Sardaigne) ou, et je l'ai gardé pour la dernière scène, le démoniaque, l'irrésistible et envoûtant chinotto.


Festival des papilles, turbo pour l'humeur: l'amaro!

Le pamplemousse, le chinotto ou l'orange amère... je reste toujours étonné de voir ce que la quatrième saveur a comme importance ici. De Pontremoli à Grosseto, de l'apéritif au dessert, de 7 à 77 ans, issus des cardes ou artichauts, des trévises ou de la chicorée, tout le monde ici a une histoire d'amour avec le "bitter". 

Cette attirance est-elle unique au monde? Je sais des légumes ou fruits qui n'ont pas cours ici et qui sont tout aussi forts en amertume, comment se fait-il qu'un petit producteur créatif n'ait encore apprivoisé et lancé la mode du melon amer asiatique par exemple? Car à ce point inscrit dans les traditions culinaires et si tôt chez les enfants en apprentissage de goût (pas besoin dans les écoles toscanes de la visite de spécialistes sensés corriger les déviances et retrouver des saveurs parties en nouille...) reste toujours un étonemment. 
L'amaro est aussi un moment

Cette obsession à cultiver le respect des flaveurs du terroir et particulièrement l'amer, alors que chez nous ou partout cette tendance semble être combattue voire massacrée par une sorte de complaisance dans un goût uniforme passe partout et mondial (les chicons de mon enfance n'ont RIEN à voir avec ceux d'aujourd'hui: ah! la Belga comme ils l'appellent ici. S'ils savaient la différence avec ce qu'on exporte aujourd'hui par Jumbojets vers New York sous le nom de Belgian Endive, policée pour les palais américains.) Ici on le grille,  servi mi-cru avec l'huile essentielle et, tiens! un filet de citron.
On va refermer nos cahiers jusqu'à la rentrée (scolaire et donc studieuse) et en attendant, laissons-nous enrober par la bonne chaleur de l'été qu'on nous annonce torride. Une aubaine pour les amateurs de sorbets.
Quant à moi, en direct du marché de Sienne, je me réjouis déjà de mon prochain sujet: cuisine en Toscane et féminité.


Ah! les filles, les filles, les filles...


Allez: récré!



 

dimanche 20 février 2011

Un blog qui se bine? Ca s'arrose!

En direct du marché de Villafranca (MS)

Saisissons l’occasion, lors de notre promenade entre les caisses de broccoli sauvages et de chicorées blondes, d’examiner les préjugés ou réflexes franchement franco-français qui peuvent nous fourvoyer dans l’abord de la cuisine italienne. Il importe de bien vite corriger le tir sous peine de rater ce train précieux.

Ainsi, mea culpa, mes recherches insensées pour trouver des «fines herbes» à l’aube de mon premier marché toscan, entrepris comme s’il s’agissait d’un banal bazar provençal. Pourquoi y vendrait-on ce que tout le monde ici a dans son jardin ou sur son balcon? Je remercierai encore souvent cette épicière de Iano (FI) qui m’a un jour prise en pitié: après avoir fermé son tiroir-caisse et y avoir extrait une paire de ciseaux, elle m’a emmené dans son «orto». Il n’y avait qu’à se baisser: romarin, persil, basilic... Que n’a t-elle eu le tonus de m’entraîner découvrir tant d’autres trésors dans la nature sauvage comme tout «contadino», comme tout toscan.
Les herbes sont l’âme même de la cuisine péninsulaire. Ici, point d’épices, au large le tapage. Un parfum de champs, de jardin frais, discret, léger, pudique, petit majordome infatigable au service des sauces, viandes ou poissons. Les indispensables herbes: il faudra beaucoup de patience pour comprendre leurs mécanismes culinaires. C'est qu'on ne met pas n’importe quoi avec n’importe quoi! Une sauge ou une menthe mal placée peut vous attirer les regards les plus empreints de pitié/horreur/dégoût/colère de la part des autochtones. Et si cela peut vous paraître absurde, il en sera de même de nos hôtes à la seule idée de notre automatique thym/laurier ou imbécile bouquet garni.

Les tomates mon amour
Nous devisions parmi les plants de courgette et autre mélongine un soir de juin, évoquant nos infectes tomates qui poussent sur de l’ouate, dures comme des boules de billard, qui n’ont fait qu’entrevoir le pâle soleil de Flandres (ou même de Bretagne) et qui goûtent l’eau du robinet. Grisés que nous étions dans nos véhémences par les saveurs et parfums inoubliables des pomodorini dont nous nous gavions sur ce sol argileux proche de San Gimignano.
Arrive Rosalba, campanienne de naissance, qui nous englue tout de go en plein quiproquo:
«-Ah! Vous aussi trouvez ces tomates si fades?
-??!?...
-Elles n’ont aucun goût ici, vous devriez venir à Naples!»
On s’est dit in petto qu’il ne manquait plus qu’un Sicilien du genre vantard ne débarque -suivi d’un Lybien, tiens- dans la discussion.
La course du soleil et la pousse de la pomme d’amour ont une intense intimité en commun. La couleur et sa chaleur, la douceur et son bonheur, ont bien fait de la tomate le symbole universel de la gastronomie italienne mais s’il est devenu un lieu commun de dire que tant de plats fameux savent se passer d’elle. A elle seule, de par le monde, elle fait basculer les coeurs et les estomacs. C’est pourquoi la pizza sera toujours préférée à toutes les formes de galettes méditerranéennes (pide turque, coca catalana, pissaladière...), c’est pourquoi les enfants du monde entier adorent les spaghetti qu’ils soient de fast ou slow-food.

Variétés méconnues qui nous sautent au palais...

En direct de la Lunigiana, donc. Ici même, où des plats aussi rustiques portent le nom de Soupe à l’eau, Tranchette ou Rebouillie.
Ici même où se côtoient en parfaite et pittoresque harmonie la Lamborghini dernier top modèle du Salon de Turin et la colonne lézardée romaine. Harmonie quotidienne de l’High-Tec et du vestige.
Harmonie comme l’est la nature et le temps qui fait les saisons. Le temps, la plus rare et la plus indispensable, la plus délicate et la plus galvaudée des denrées aujourd’hui. Sans lui pas de bonne chère. Sans temps à donner, pas de joie en bouche. Le temps qu’on doit laisser aux légumes de pousser naturellement, le temps indispensable aux vrais soupeurs des étoiles que nous sommes.
Le temps infini d’apprivoiser les légumes et leurs herbes compères, trésors indispensables du cuisinier.
Les haricots en fiasque
Le temps qu’il aura fallu pour que la recette antique des haricots en fiasque nous parvienne, les longues heures (plus de quatre parfois) de cuisson, le temps surtout pour maîtriser cette recette...
Méfions-nous de nos temps où tout doit aller vite. Rien ne va vite si on veut réussir son repas. Toute recette annoncée comme "rapide" dans nos magazines ne le sont JAMAIS. Il suffit de voir le temps passé à trouver les bons ingrédients, le rangement, la vaisselle...  la face cachée de la fête culinaire. Notre époque d’images sacrées nous fourvoie aussi et surtout pour les recettes présentées dans nos médias divinisés: vous n’aurez JAMAIS le même résultat que sur la photo.
Vous savez, avec ce bosquet-là, chez nous, vous seriez vite millionnaire. Quand on vend 1,95 euros trois branches de basilic dans nos grandes surfaces... faites le compte.
STOP!
Ouvrir un cube et le jeter dans l’eau frémissante (7 sec.) ou rincer une gousse, un oignon, un brin de persil et céleri, de gratter une carotte (54 sec.) ne sont pas le même geste et ont encore moins les mêmes conséquences.
La prise de temps, pour le simples intentions culinaires comme pour les recette-marathons, reste un élément indispensable d’un art de manger, de vivre, de jouir.
Et si on réapprenais la patience de (s’) aimer, de (se) choyer, de (se) chérir, de (se) régaler? Et si on réapprenait à manger pour le plaisir simple des sens? Au diable les panoplies d’additifs qui nous font les gogos des multinationales agro-alimentaires. Au loin les conseils idiots ressassés (genre les 6 fruits et légumes quotidiens)!
Mais ça, on en reparle au sujet prochain.

Buon  appetito!