jeudi 23 octobre 2014

Vous connaissez sans doute ce proverbe idiot voulant qu'on ait comme ami un médecin, un notaire, un avocat... Jules et Line, dès leur arrivée dans ce bourg proche de Sienne, se sont mis en quête d'un boulanger, d'un maraîcher, d'un tripier...
Les 15 jours de vacances que s'offrent Jules et Line comme une étreinte solennelle, ils les passeront à cuisiner. Nus comme au premier jour, en désir de tout, au matin de tous les repas. Deux semaines à échafauder des plans de marché, des stratégies de menus, des rallyes de dégustations, deux semaines car la seule vraie cuisine n'a de sens que si elle demande beaucoup de temps, même pour les plus ordinaires. 15 jours d'ivresse de saveurs pures. 15 jours à appréhender le subtil usage des herbes, à se mesurer aux levains, à réapprendre la découpe de filets, à classer les parfums, à consigner les dosages. Avec comme seuls compagnons des bouillons et des chapelures, des bouquets de basilic ou de marjolaine, des feuilles de bourrache et des choux géants, du sel marin et du raisin, des amandes et du fromage de brebis, du miel et des piments doux...
15 jours de siestes au chant des vignes, au vent des champs, d'épeautre ou d'orge, de soirées aux bords du feu, de tours de garde au coin de l'âtre, à mastiquer du jambon, à promener du vin en bouche, à respirer du thym, à rêver aux repas d'un lendemain toujours meilleurs.
Dans la petite masure qu'ils ont loué au bout d'un promontoire comme un quartier de pomelo sur une génoise, il y a le strict nécessaire, ou plutôt l'indispensable pour un retour aux sources des gestes culinaires: un four à pain, un gril, un petit frigo, une cave fraîche, trois couteaux, une planche à découpe, une casserole à pâtes, une poêle en fer... de quoi sustenter l'humanité.

Leurs petits balais dans les rues et marchés des environs ne sont pas passés inaperçus et leur arriva le plus beau des cadeaux que les toscans puissent offrir à tout un qui semble s'intéresser à leur mode de vie: une invitation à un de ces innombrables souper de rue qui jalonnent la belle saison. S'ils s'attendaient à tant d'honneur? Non.

Mais leur surprise ont atteint des sommets lorsqu'ils ont avoué, avec une lichette de honte, que chez eux, là-bas dans le nord lointain, les annuaires contenaient des pages entières consacrées aux rentables professions bizarres de l'appétit: nutritionniste ou diététicien, mais aussi gourous et mentors d'occasion. Le cercle s'est agrandi et les yeux se sont écarquillés lorsqu'ils ont évoqués les efforts que les autorités locales déployaient pour un "retour" du goût dans les écoles. Et lorsqu'ils ont tenté de faire croire que là-bas, dans ce nord brumeux, on avait "oublié" certains légumes, ils ont bien senti, de la part de leurs hôtes, un début d'incrédulité devant tant de malheurs...

A bientôt pour de nouvelles gourmandises!