samedi 2 juin 2012

Un blog qui, sans en avoir, ne manque pas d’air!

Pise et ses façades versicolores, son avenue vers la mer et le monde, son penchant pour l’éclat, Pise est un bon point de départ. Galilei (que tout le monde ici appelle par son prénom), Antonio Tabucchi, Giosuè Carducci... des noms qui résonnent encore sur l’Aurelia et qui donnent le ton du savoir au périple qui nous attend. Une Ribollita avant d’enclencher la première et pas besoin dès lors d’emporter une musette.

Crèspina, Faùglia, Lajàtico... un accent indique pour qui n’est pas de la région où il faut appuyer la prononciation. La douceur de ces noms qui défilent dans nos oreilles, ronds et grâcieux comme ces colinnes pisanes, ces jardins enserrés, ses routes étroites aux virages soudains, aux angles illogiques. Des noms qui chantent dans le parler toscan pourtant si caillouteux. Capànnoli, Ponsacco... dès qu’on quitte le lacis de verdure, dès qu’on s’éloigne des cyprès-sentinelles et des eucalyptus, les pentes se font plus dociles, plus étirées, plus vertes, le chemin vers Livourne s’ouvre comme un rayon de lumière sur un carrelage de grès. L’air passe et repasse en chants liturgiques aux accents de sel, c’est à peine si on n’entend déjà le clapotis dans les écueils, pour un peu on sentirait les embruns. Entre rochers coupants et pinède odorante, nous nous attaquons à un Cacciucco plantureux.
Et nous voilà déjà aux portes des Crêtes. Face aux balze, ces pans de terre éffondrés comme si quelque démon échappé du magma grappillait un peu de croûte, ces éboulements dont la simple vue nous amène au corps des vaguelettes de plaisir. Des monticules grossiers, des mamelons pelés, un décor martien, une chaleur venue c’est sûr de l’enfer. Quand l’eau tombe ici, le paysage s’efface, il n’y a plus que glaise. Et les grosses mottes si imposantes laissées par les labours des engins chenillés semblent devenir, sous l’effet de ces déluges, de vulgaires morceaux de savon oubliés au lavoir. D’immenses gargouillements se font entendre aux fonds des cuvettes. Le vent et le soleil auront tôt fait d’évacuer ces mauvais souvenirs. Le vent, qu’on attend souvent ici comme un soulagement après les premières heures de soleil décapant. Il va souffler jusqu’au soir et soûler les esprits les plus exposés, les moins avertis. Le vent, rythme obsédant, compagnon de chaîne jusqu’au soir, le vent se retire au crépuscule comme pour nous faire mieux apprécier l’Ombre de la Soirée.
Avant de s’aventurer dans les vallées boisées vers Gambassi ou Montaione, on se restaure d’un plat fumant de Pappardelle al cinghiale.

Après Castelfiorentino et un rapide salut à monsieur Benozzo Gozzoli, on ressent la main florentine: les espaces se civilisent, les arbres et taillis semblent domptés, presque soumis, les jardins deviennent parcs, les fermes ont des allures de châteaux, les tours ont des toitures romaines. Les paysages se découpent en larges vagues vertes et la palette est bien celle des maîtres du Quattrocento. Voilà l’Arno et ses petites entreprises qui nous invite à rentrer dans l’ancienne capitale. Il faudrait une vie pour lui faire la visite. Nous nous engageons seulement dans une ruelle pour aller savourer quelques Crostini.

Impruneta et le Chianti sont traversés comme on percerait une barrique et voilà Sienne! Sienne la promise, comme la Toscane est une promesse. Malheureusement trop peu intimes pour pouvoir banquetter dans les rues comme c’est courant ici, il s’agira d’avaler un peu de Pecorino du Val d’Orcia et quelques raisins glacés. Les Palios et les hordes de touristes qu’ils déchaînent ne semblent pas affecter l’extraordinaire vocation sociale des siennois. La modernité et ses vices semblent être remisés et patientent en retrait, comme avec la même dissuasion que les Pullman sur leurs parking.

Après avoir franchi les barrières de langueur de la Maremme, pour tromper cette faim omniprésente, nous nous faisons apporter un gigantesque Pinzimonio devant le musée archéologique de Grosseto. Un vieillard distingué observe nos appétits ogresques. Amusé sans doute par les vapeurs d'alcool de mon verre de Pitigliano qui me fait voir en cet aristocrate provincial le fantôme de Carlo Cassola.
 
Arrezo: la clarté de la Vraie Croix nous attend toute menue, toute blotie au fond de l’abside. Nous mâchons et remâchons un morceau de Pan Pepato, arrosé de grosses gorgées de Cedrata. Un défilé s’opère sous nos yeux chatouillés par la mastication: tous les profils, hommes, femmes, enfants semblent alors sortis des oeuvres de della Francesca.
D’autres heures d’asphalte serpentante, chauds et froids, petits cols et grand vertiges, clairs-obscurs à travers les monts du Mugello. Les allures alpines du paysage nous font entrevoir maintenant des cités austères, des châteaux noirs, des sourires et des denrées rustiques. Entre Garfagnana et Lunigiana, nous nous restaurons d’un Testarolo dans une câve voûtée pour une part au deuxième étage d’une bâtisse accrochée à la roche. Ici, on monte ou on descend, on n’a pas d’autre choix. Les cheveux et les idées dans les étoiles, les pieds et la réalité dans l’eau déjà ligure.

Buon Viaggio!

Chose promise, chose due, voici les probables recettes du Kimchi de chou toscan, des Chicons à la belga, de la Zinneke Panade:



Kimchi

Prendre le coeur d'un chou noir toscan palmier (bio j'insiste pour une fois pour des raisons de bonne fermentation) et le détailler en languettes pas trop fines.
Mélanger avec du gros sel pendant 10 bonnes minutes jusqu'à la sensation d'assouplissement.
Placer dans une casserolle dont vous pourrez ajuster un couvercle plat qui épouse les bords du récipient, ou alors un choucroutier.
Placer un poids sur ce couvecle et laisser fermenter deux jours maximum.


Egoutter le chou, le rincer, le sécher et le mélanger avec du piment, du gingembre, de l'ail pilés, de la carotte râpée, du sucre, de la Colatura (ou de l'anchois déssalé et mixé) et un peu de sucre..

Mettre en bocaux bien propres et ébouillantés en tassant bien sans écraser et laisser encore deux jours fermenter en lieu sûr. Après au frigo. A consommer dans les cinq semaines pour bien faire. A servir avec l'indispensable filet d'huile et du persil ciselé.

Chicons (Belga comme on les nomme ici)

Couper les endives en deux, ôter le centre dur. Les blanchir 3-4 minutes dans de la bière, les égoutter, les saler et les griller à feu moyen au barbecue en arrosant d'un peu de bière et d'huile d'olive. Avant la fin de la cuisson, les enrouler d'une tranche de jambon cru ou de speck et remettre un peu sur le grille. Servir avec un peu de marjolaine.



La Zinneke Panade

Partir de vieux (ou vieilli) pain d'épice, le plus simple possible sans morceaux de sucre ou fruits confits. Le faire torréfier par tranches dans très très peu d'huile à feu vif sur une poêle à revêtement antiadhésif. Lorsqu'il commence à colorer et à sentir, le noyer de juste assez d'un mélange de café froid et de Vin Santo pour l'imbiber. Baisser le feu. Le couper lorsqu'il semble se transformer en panade. Mélanger jusqu'à l'obtention d'une pommade, en faisant attention que la dose de sucre ne caramélise et ne durcisse. Etaler cette pommade chaude sur des tranches de poires  glacées coupées à la mandoline et parsemer d'amandes effilées. Amaih! Ammazza!


Réservez dès maintenant 5 minutes sur cet écran pour notre prochain mais néanmoins fabuleux Roman Photo:
"Résumé de l'épisode précédent"

Mais je passe la parole à Steive Steck qui tient le rôle du grand méchant fou à la descente des marches:
" C'est un beau compte de Nowël où ce qu'il est question d'un danger au niveau du Planetarium, d'un savant flou, d'un super héros sans cape et d'une pin up avec une épée. Plus ou moins."





Eh bien après ces précisions, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne patience. 

vendredi 16 mars 2012

Un blog parfois dans l’erreur, jamais dans le doute!

En direct du marché communal d’Orbetello (GR)

Qu’elle n’eut été lui! Le métal, le feu, les lames ou les piques auraient été autant de menaces. Mais non. Retranchée derrière ses barreaux inoxydables, s’il est vrai qu’il lui arrive qu’elle tranche, émascule, saigne ou éviscère un petit peu, c’est pour une cause juste, une vertueuse entreprise: l’auguste condition du ventre.

Elle aurait été lui, on eut cru un bourreau à l’oeuvre sur son billot. Mais non, à l’office égayée par sa seule présence, elle grille, plume, ébouillante sans penser à mal, derrière un petit sourire béat avec la sainte et féminine satisfaction de la tâche à accomplir.

Elle aurait été lui, elle serait en guerre, au combat. Mais non, tout se commence et se poursuit par une reddition, une abdication, un asservissement à la nature, ses saisons et les denrées qu’elles procurent. Tout se poursuit dans un élan généreux comme la sève au printemps, fertile comme la terre en été.
Hormis quelques gargotes prétentieuses où de vagues chefs chassent aux étoiles et aux médailles, partout en Toscane les cuisines, de cantine ou de restaurant, sont affaire de femme.
On a souvent comparé les cuisines méditerranéennes mais on a rarement souligné, en Italie plus qu’autre part, l’essentielle vocation féminine. Ainsi, si les tapas, kémias ou autres mezze sont préparés par des mains féminines que les hommes mangent entre eux, les antipasti ont cette vertu de trôner sur la table familiale, de tourner autour d’elle, elle qui ligue comme elle lie. Seules garantes du goût et des manières, incontestées -comme seuls le sont les élus-, maîtresses des manoeuvres, c’est par la table qu’elle cimente, bâti, rapièce ou réconcilie son troupeau tous les jours un peu dissipé. Elles n’auront laissé qu’une seule fois ce rôle à un homme. Et encore, drôle d’homme: sa mère Marie ne l’aura vu qu’une seule fois présider,  au centre de la tablée, comme un qui doit mourir demain.
Frugale dans ses gestes mais généreuse et bienveillante dans ses portions, elle régale de petites bandes vociférantes et assurées, en treillis ou en survêt’, et quand il faut bien servir quelque brute qui découche du buffet matriarcal, elle force un peu sur le pardon, rajoute de l’indulgence, recouvre d’un peu d’absolution.
Quand vient le moment d’éteindre les feux, de tomber la chemise, de baisser la cheminée, tout souvenir de ripaille évaporé, tout attirail rangé pour la prochaine bataille, toutes munitions comptabilisées, tout arsenal endormi, elle se laisse alors parfois aller aux songes, se refait des tranches de vie, des aiguillettes de passé, barde un restant de souvenir, accomode un fond de pensée, comme ça, pour se reposer de sa position.
C’est qu’elle en a vu passer des modes et des tendances sans sourciller. Hier soufflés, quenelles ou croustades, aujourd’hui tempuras, vérinnes ou espumas, jadis pâte riche à présent crême allégée. C’est qu’elle rirait de se voir dirigée par GPS ou par PC dans ses gestes culinaires quotidiens, assurée que l’intelligence numérique de notre époque high tech jusqu’à l’hystérie n’est destinée qu’à ceux qui en manquent.
Orbetello
C’est qu’on l’a tellement accomodée, elle et ses secrets, c’est qu’on a tellement pelé à vif son image: un jour bonne et rassurante mamy des yaourts au goût d’antan, le lendemain intrigante amazone mangeuse d’homme au ventre plat et cependant bourré de Lactobacillus Casei Immunitas. Crêmeuse à l’aube, ascète au crépuscule, demain 20 heures mère de famille jetant quelques ingrédients et condiments dans un sachet plastique qu’elle aura extirpé d’un coffret de frigolite et précipité dans le micro ondes sous les yeux ronds de bille de ses enfants, hop! que c’est beau l’amour maternel, le Tout-Tout-de-Suite, tant d’amour, tant d’attentions...

Qu’elle n’eût été lui: ses marmots se seraient sans doute restaurés de cachets ou de tubes peut être même de surgelés!

A suivre...
A la façon d’un peloton de petites reines mais dans un fauteuil puisque nous sommes tous champion, nous ferons un tour de Toscane délicieuse pour notre prochain sujet. Réservez dès maintenat votre musette: gare à la fringale!